Le développement du ski de randonnée passera par les stations. Ce constat que nous avions fait à CTC il y a trois ans, en citant l’exemple du VTT, avait été accueilli par une moue dubitative voire une certaine consternation à l’époque. En effet, la randonnée s’était toujours pratiquée loin (voir en opposition) aux domaines skiables équipés. Aujourd’hui, paradoxalement, c’est dans les stations de ski que les nouveaux randonneurs trouvent un ensemble de services pour les accompagner dans leur découverte : pistes balisées, écoles de ski, guides, forfaits randonneurs, sorties rando, initiations, matériel de location, etc. Aujourd’hui près de 30 stations en France proposent ces services. Nous avons choisi en guise d’exemple La Clusaz pour comprendre les enjeux.
Ca fait longtemps qu’on lève le talon à et autour de La Clusaz. Le massif des Aravis et les fameuses combes sont depuis toujours un haut-lieu de la pratique du ski de randonnée. « Il y a des itinéraires aux orientations variées, à la fois très sauvages et à proximité de la station, donc facile d’accès », résume David Piccheda, guide spécialisé dans la randonnée et amoureux de cette pratique. « Le randonneur a le choix entre les combes sauvages et la freerando avec un accès facile grâce aux remontées mécaniques », complète Cyril Lassailly du magasin Woodcore.
Progressivement, à cette frange de skieurs qu’on pourrait qualifier de classiques, est venue se rajouter celle des skieurs fitness, remontant les pistes à n’importe quelle heure du jour et surtout du soir. Leur but : s’entrainer, engranger du dénivelé, faire travailler le cardio. Le monde de la rando a rejoint celui des stations, et la cohabitation n’était, au début, pas évidente. « La cohabitation entre randonneurs et skieurs alpins sur les pistes ne marche pas, ça pose des problèmes de sécurité, de jour avec les collisions, et de nuit avec les machines de damage », explique le directeur du service des pistes de La Clusaz, Guilhem Motte.
Le nombre de pratiquants a beaucoup augmenté, les marques ont investi dans du nouveau matériel et le service des pistes s’est vite rendu compte qu’il fallait encadrer cette pratique, estime Alexis Bongard, le directeur de l’Office du Tourisme.
La plupart des stations, et notamment celles proches des villes comme les 7 Laux et Chamrousse, sont confrontées à cette périlleuse cohabitation de deux types de glisseurs. « Il ne faut pas confondre confort et sécurité. C’est un confort d’avoir une route et un parking dégagés même quand il neige, de pouvoir chausser au pied des pistes, de profiter d’un enneigement continu et régulier de haut en bas, sans cailloux », poursuit Guilhem Motte, « le danger est que la nuit les dameuses travaillent, avec des câbles et des treuils qu’on ne voit pas dans le noir, les machines peuvent être cachées par des ruptures de pente, des pisteurs circulent en scooters, la neige de culture créée des zones de glace, le terrain est remué en créant des obstacles, des murs de neige… ».
Pour répondre à cette problématique, les stations ont commencé à installer des
pistes de randonnée balisées, adaptées aux différentes niveaux des randonneurs. «
On a choisi de dédier deux tracés, sur le domaine et l’Etale et sur Beauregard, accessibles aux heures d’ouverture du domaine skiable car en redescendant les randonneurs empruntent la piste. Ces tracés sont balisés mais restent en hors-piste, donc sous la responsabilité du skieur. Certes, ils sont à l’écart des avalanches, le risque est minime quand le domaine est ouvert, mais on veut que les randonneurs prennent l’habitude d’emporter leur matériel de sécurité », poursuit-il. Ces pistes sont idéales pour découvrir la pratique et s’entrainer avec l’oeil sur le compteur de dénivelé. «
C’est un bon terrain pour découvrir la rando, c’est un endroit sécurisé, à l’abri des pistes, pour apprendre l’autonomie. Ensuite, il faut en sortir pour découvrir ce qu’il y autour et profiter de toute la montagne !, estime le guide David Piccheda.
Un nouveau profil est également venu grossir le rang des randonneurs :
les freerandonneurs. «
D’année en année, je vois plus de gens qui se renseignent », confirme Cyril Lassailly. Le freerandonneur est un très bon skieur alpin, freerider même, qui souhaite utiliser le matériel de randonnée pour accéder aux pentes et couloirs vierges. «
Ma clientèle s’est rajeunit avec l’engouement pour la freerando ! », confirme David Piccheda.
« Toutes ces pratiques de randonnée différentes ne sont pas une concurrence au ski alpin, au contraire », explique Alexis Bongard, « les pratiquants de rando font aussi du ski alpin, beaucoup d’entre eux même, ce sont des activités complémentaires ! Avec nos magasins spécialisés prodiguant les bons conseils, les offres des moniteurs et guides, la rando devient très accessible ». Qui aurait cru, il y a seulement cinq ans, qu’une station de ski serait le lieu idéal pour s’initier à la randonnée ! C’est désormais une évidence.
Texte : Guillaume Desmurs