Pour moi, comme pour beaucoup, Jean, c’est d’abord les catalogues Oxbow, que je collectionnais scrupuleusement. Ces grands formats colorés où Jean et sa bande faisaient exploser les codes couleurs, la mode et les paquets de poudreuse. Le paradis était sur terre, la vie était plus belle et la glisse le symbole de la liberté. Quand on est ado, ça compte.
Plus tard, j’ai croisé Jean sur les pentes, au gré des évènements et des moments vécus sont venus enrichir les voyages par procuration qu’il nous offrait dans le scatalogues et les magazines. La vraie vie. La vraie vie dans laquelle Jean se mouvait comme un poisson dans l’eau. La vraie vie qui, pour lui, n’était pas différente de la vie rêvée des trips autour du monde. Une courbe de snowboard pourrait être une métaphore de la vie, avec son allègement, à la fin, ce moment suspendu où l’on ne touche plus terre. C’est ce que je ressentais quand je passais un moment avec Jean, comme cette rigolade sur le télésiège du Bois de l’Ours aux Arcs où lors d’échanges passionnés sur le comportement des skis de rando, le poids des chaussures et les avantages comparés de telle ou telle fixation.
C’est pas grand chose tout cela, mais maintenant qu’il est parti, ça compte double. Ca compte triple. Quadruple même. Jean aux commandes de sa basse, tenant la ligne rythmique de son groupe, lors de la soirée d’ouverture du deuxième Big Up&Down. Jean aux commandes des tests de Community Touring Club dès les débuts. Il était déjà malade et pourtant continuait, rageusement, à vivre, à glisser, à écrire. C’est aussi cela que j’aimerai retenir de Jean : son courage. Il avait quitté la face lumineuse de la vie pour une face plus sombre. Sa maladie, une fois déclarée, ne l’a plus laissé tranquille. Compte à rebours. Elle l’a rongé peu à peu. Jean utilisait le pouvoir de la glisse comme un antidote. La glisse, symbole de la vie libre qu’il nous avait offert vingt ans auparavant et qui, dans ses moments durs, lui donnait du souffle. Jusqu’à son dernier.
Jean était un glisseur généreux, optimiste, qui distribuait les bienfaits de ses passions autour de lui. Bienfaits qui continuent à germer, à pousser, à grandir et à tomber sur nous avec légèreté, comme les premiers flocons de l’hiver, arrivés au moment même où il rangeait une dernière fois son sac. Un dernier signe. Le destin a toujours un plan.
Glissons. Vivons.
Guillaume Desmurs et l’équipe de CTC