Avec la deuxième partie de l’hiver, la saison de ski de rando est lancée et les différentes options se bousculent dans la tête : effectuer une sortie à la journée ou une itinérance sur plusieurs jours, passer une nuit en refuge… Mais pourquoi ne pas envisager de dormir à la belle étoile au coeur des montagnes ? Garant de précieux moments en pleine nature, le bivouac ne s’improvise pas pour autant sous peine de vivre quelques mésaventures… Voici une suggestion de sortie dans un vallon sauvage du massif des Écrins, assortie de quelques conseils, pour faire de cette première expérience une réussite !
Plantons d’abord le décor de cet itinéraire avant d’installer la tente ! Le Parc national des Écrins englobe la majeure partie du massif du même nom, à cheval entre l’Isère et les Hautes-Alpes : c’est un ensemble de sommets et de vallées glaciaires majestueux et imposants. Ce dernier est resté en moyenne à l’état plus sauvage que le massif du Mont-Blanc, avec beaucoup moins de densité de population et de présence de remontées mécaniques. Un terrain de jeu tout simplement exceptionnel qui offre d’infinies possibilités en ski de rando, que j’ai coeur à explorer depuis une dizaine d’années étant moi-même basée à la Grave. Parmi ces options, la zone du vallon du Casset, en contrebas du col du Lautaret côté briançonnais. Tout proche du village de Monetier-les-Bains (qui fait partie de la station de ski de Serre-Chevalier), le charmant hameau du Casset est le point de départ de notre excursion à skis, dont l’objectif est de gravir et descendre à ski le versant nord-est de la Calotte des Agneaux (3 634m).
Cette zone, qui se prénomme le Réou d’Arsine, présente plusieurs atouts pour la réalisation d’un premier bivouac…
Nous remontons d’abord une belle forêt de mélèzes à travers le vallon du Petit Tabuc jusqu’à proximité du lac de la Douche, un joyau naturel qui laisse transparaître des reflets vert bleu sublimes s’il n’est pas trop recouvert par la glace. Puis la pente se redresse en remontant les pentes bordées en rive droite par la grande moraine du glacier du Casset. Au même niveau sur l’autre rive, on peut contempler l’une des lignes majeures du massif, l’imposant couloir Davin, rêve de tout skieur de pente raide. Passés cette section, le terrain s’aplanit à nouveau et nous sommes bientôt en vue d’une cabane pastorale (2 240 m), située légèrement en contrebas du col du Casset (2 340 m) et au pied de sommets que sont la Pointe de l’Étendard (2 981 m) et le Pic du Lac de Combeynot (3 088m). L’été, c’est le point de passage du GR54 proche des lacs du glacier d’Arsine et un endroit très bucolique où s’écoule le Petit Tabuc par de beaux méandres d’un bleu laiteux. Cette zone, qui se prénomme le Réou d’Arsine, présente plusieurs atouts pour la réalisation d’un premier bivouac : elle a l’avantage d’être assez plane, la proximité du Petit Tabuc (s’il n’est pas gelé) rend aisé le ravitaillement en eau, le terrain n’est pas trop encaissé pour être en ligne de mire des avalanches, l’approche depuis le Casset ne requiert pas un gros effort physique, et enfin la présence d’une rustique cabane de berger en pierre (avec une partie à disposition l’hiver mais à utiliser avec le plus grand respect) permet une solution de repli en cas de problème lors du bivouac.
Une première expérience en bivouac peut être d’abord l’occasion de tester les limites de l’équipement déjà en votre possession.
Camper dans la neige requiert un minimum de préparation et quelques précautions à prendre mais bivouaquer est une occasion rêvée pour s’aventurer hors des sentiers battus ! Sans être trop exhaustif, voici quelques conseils utiles pour se lancer. Une première expérience en bivouac peut être d’abord l’occasion de tester les limites de l’équipement déjà en votre possession. Rien ne sert d’avoir le nec plus ultra mais un matériel trois saisons pourra vite se révéler insuffisant si les températures venaient à descendre trop bas. Mieux vaut alors prévoir large et disposer d’un sac de couchage dont la plage de température de confort s’étend jusqu’à au moins – 20 °C. J’ai toujours avec moi un sac qui descend jusqu’à cette température, j’ai un souvenir cuisant d’en avoir emporté un en voyage loin d’être assez chaud et je l’ai vite remplacé ! Mieux vaut également opter pour un sac de couchage en plumes de duvet et non synthétique : la compression est meilleure dans le sac à dos et les performances caloriques bien supérieures. L’air étant le meilleur des isolants, plus il y en a dans votre sac de couchage, plus il vous isolera du froid. Le duvet, grâce à sa structure en trois dimensions, est capable de capturer un important volume d’air.
Un autre élément essentiel à prendre en compte dans l’optique d’un bivouac est celui du réchaud. En effet, une des tâches logistiques à effectuer est de faire fondre la neige pour obtenir de l’eau. Un des réchauds les plus efficaces dans cette optique-là est à mes yeux le Jetboil, avec son temps d’ébullition de seulement 2 minutes 30 secondes pour un demi-litre d’eau ! Son poids et son encombrement restent relativement limités, et son enveloppe isolante amovible rend les manipulations plus sûres. Un indispensable à ne pas oublier, une pierre à briquet ou firesteel en cas de panne ou de perte du briquet (à garder toujours sur soi pour le maintenir au chaud, de même que les batteries d’appareils photo et autres objets électroniques). Bon à rappeler même si cela peut paraître évident, le réchaud doit toujours être allumé à l’extérieur de sa tente ! À l’inverse, les chaussures de ski sont à garder au chaud à l’intérieur pendant la nuit, et même les chaussons au fond de son sac de couchage. On évite ainsi le risque de gelure aux pieds… Enfin, quelques tipsen ce qui concerne les vêtements : toujours prévoir au moins une paire de gants de secours et une paire de chaussettes de rechange, ainsi que des premières couches chaudes de préférence en laine mérinos plutôt qu’en coton, ce dernier évacuant moins bien l’humidité et la transpiration.
Outre l’aspect matériel, un des aspects importants du bivouac est le terrain choisi : l’idéal est un endroit plat, si possible abrité du vent, et qui ne soit pas directement situé en contrebas d’une pente raide pour se prémunir des avalanches. Une astuce est de tasser la neige avec ses skis et/ou une pelle, en aluminium et non en plastique, sur une surface légèrement plus grande que la tente et d’installer une couverture de survie sous cette dernière afin de mettre en place une protection supplémentaire contre le froid. En cas de vent fort, on peut utiliser ses skis et bâtons pour solidifier l’ancrage de la tente en plus des sardines. Ne pas oublier de bien ouvrir le système de ventilation de la tente car un des gros problèmes à gérer en bivouac hivernal est celui de la condensation : si l’air ne circule pas correctement, l’humidité issue de la respiration se transformera pendant la nuit en givre qui pourra imprégner le sac de couchage et vite tourner au désastre…
Alors voilà, vous êtes fin prêt pour votre premier bivouac à skis en montagne et vivre des moments magiques hors du temps, en ayant l’impression d’être seul au monde !
