ANTOINE BARTHELEMY, ingénieur expert en matériaux
Pour la rando, c’est simple, soit tu montes, soit tu descends, avec une phase complémentaire qui est l’arrêt. La montée est physique, tu dégages donc beaucoup de chaleur et d’humidité. Dès lors que l’on n’est pas dans une tempête sibérienne avec beaucoup de vent (où l’on peut mettre une membrane ou un coupe-vent), le mieux est de ne porter aucune membrane à la montée. Je monte souvent avec seulement une petite couche légère car il faut que l’humidité sorte. La transpiration ne peut pas être stoppée, une seule règle prime : évaporation maximum. Pour cela il faut le moins de couches possible entre la peau et l’extérieur. L’aération se module en jouant avec le zip (complet ou 3/4) de même pour les manches. Il faut pouvoir les remonter le plus haut possible et s’il fait trop froid, pouvoir ajouter une deuxième couche comme un gilet sans manches en polaire. Il permet d’avoir une liberté de mouvement des bras et protéger le buste en priorité en cas de vent froid. Le confort participe au plaisir, c’est très important. Il faut bannir l’idée qu’on est là pour en chier ! Si tu optimises ton confort hygro-thermique (pas trop chaud, pas trop froid, pas trop mouillé), tu seras plus performant, le mental va être meilleur et le plaisir aussi.
Au col, pour changer les peaux, on est encore chaud mais il y a un vent froid, on se refroidi très vite. Au moment où tu t’arrêtes, la sudation a de l’inertie. C’est-à-dire que le robinet de la transpiration ne se ferme pas tout de suite, mais se réduit progressivement. Il ne faut donc pas se couvrir immédiatement en arrivant. Il faut enlever le sac à dos, forcément humide et mouillé (les systèmes de ventilation des sac à dos, ça ne marche pas !). Je fais en sorte que mon sac sèche pendant la pause et je fais sécher mon dos également. Je suis attentif au fait d’être confortable, je remonte mon zip, abaisse mes manches. Quand la transpiration s’arrête et que je sens le froid, j’ajoute une couche thermique (polaire ou veste coupe-vent s’il y a du vent). J’ai toujours dans le sac une veste coupe-vent, la hard-shell, l’armure étanche (la respirabilité annoncée de ce genre de vestes, je n’en attends pas grand chose !). J’ai toujours de quoi avoir 4 couches : une couche sur moi et 3 couches complémentaires dans le sac (deux couches thermiques et une couche finale type hard-shell). J’ai deux configurations de gants : une légère et une plus épaisse.
Pour la descente, avec la vitesse, il y aura un vent à limiter ou à couper. Une membrane imper-respirante est toujours 100% windproof, quelle que soit la marque Gore-Tex®, Sympatex®, Novadry, etc.). Cette veste est nécessaire. Je module avec le zip (j’ai des zips sur toutes mes couches), et selon le soleil (versant nord ou sud), j’enlève une couche ou j’en rajoute une. Lorsque je descend, je choisis une configuration de vêtements pour être aussi libre que possible de mes mouvements. Mes vestes doivent aussi me protéger si je tombe dans la neige (dans une polaire la neige colle !). J’ai toujours quelque chose sur la tête, mais pas de capuche qui me coupe une partie de mes sensations.
Aujourd’hui, la veste type hard-shell représente l’achat principal, ce qui pour moi est une erreur. On se rend compte qu’on ne l’utilise pas tant que cela (éventuellement à la descente). On pourrait peut-être changer l’ordre des choses : investir plus d’argent dans la seconde couche, plutôt que dans la première, et utiliser à la descente une veste très légère coupe-vent. Pourquoi mettre 600 euros dans la couche extérieure ? The North Face, par exemple, a fait des essais – non concluants commercialement – pour redistribuer les cartes en terme de couches. Une veste deux couches (avec la membrane visible à l’intérieur et un tissu extérieur) est suffisante et ne pèse presque rien ; et en terme de performance, c’est largement suffisant pour la rando. Les couches techniques du trail running peuvent tout à fait s’adapter au ski de randonnée à la journée (hors alpinisme avec terrains abrasifs, bien sûr).
Il faut regarder du côté du matériel du ski-alpinisme, dans les collections ski-alpi des marques (RaidLight, Dynafit, Millet) pour des configurations qui évitent la sacro-sainte grosse veste hardshell. »
NOÉMIE LACHAUX, chef de produit chez Millet
Il faut déjà se poser la question du type de rando que vous pratiquez : compétition, fitness, contemplatif ou freerando. Cela va définir le matériel et les besoins auxquels les vêtements doivent répondre. Le plus petit dénominateur commun, qu’on retrouve dans toutes ces catégories, c’est la respirabilité. Dans un deuxième temps : c’est l’imperméabilité. Les couleurs vives sont aussi importantes pour la sécurité (capacité à être repéré sur la neige).
Le matériel comprend une softshell, légère, stretch et ultra-respirante, pas besoin de protection, en revanche il faut évacuer la transpiration. Les produits sont travaillés pour les besoins du coureur en compétition : poche peau, poche accès DVA, crochet pour tenir les skis… Tous les détails apportent un gain de temps pendant la compétition. Le fit est vraiment moulant, Moulant-Pipette, même ! Comme le coureur ne s’arrête jamais, il ne se refroidit pas (les peaux glissées à l’avant le protègent à la descente). Une à deux couches maximum.
On apporte une protection supplémentaire coupe-vent pour la descente avec une sous-couche thermique ou doudounette pour l’apport de chaleur. Les produits sont près du corps, légers, respirants. On commence à travailler la superposition avec une première peau, une couche thermique et une couche extérieure de protection, avec du bodymapping, c’est à dire varier les matériaux selon la zone du corps (plus respirant sous les bras et dans le dos, plus résistant sur les épaules, plus protecteur sur le devant, etc.).
Le freerandonneur monte pour descendre. La montée est le passage obligé pour se faire une super ligne. Il faut des vêtements plus larges en fit, avec des codes issus du ski alpin (poche forfait sur le bras, jupe pare-neige, Recco, capuche casque, salopette amovible poche accès DVA pour accéder rapidement sans enlever la veste). Le challenge est que les matériaux pour la freerando doivent être respirants ET imperméables. Pour la descente, qui représente très peu de temps par rapport à la montée, il faut en tenir compte dans le taillant, dans la longueur des vestes, la forme des pantalons (bib, salopette amovible). Pour la montée, il faut de la respirabilité, éviter les tissus qui craquent, qui rendent la veste cartonneuse, c’est un détail qui peut faire la différence sur la neige et c’est pour cela que je recommande une soft shell.
Il est important de travailler les vêtements de ski de rando comme des modèles à part entière, pas en les adaptant de modèles ski ou alpinisme. C’est une pratique à part entière, avec des besoins techniques et de confort spécifiques. J’insiste : les mêmes vêtements d’un randonneur ne sont pas les mêmes qu’un alpiniste ou un skieur alpin ! »