Attaquons-nous au mythe de la Haute Route Chamonix Zermatt. LE raid à ski, le symbole, le graal, l’unique !
Attaquons-nous au mythe de la Haute Route Chamonix Zermatt. LE raid à ski, le symbole, le graal, l’unique !
Cassons tout de suite cet enthousiasme : non, Chamonix Zermatt n’est pas le seul raid à ski qui existe dans les Alpes. Il existe une multitude si ce n’est une infinité de raid à ski et Chamonix Zermatt n’en est qu’un parmi tant d’autres. D’ailleurs, il existe plusieurs possibilités de relier ces 2 villes, hauts lieux du patrimoine alpin.
Si vous n’avez jamais pratiqué le ski de randonnée, passez votre tour sur ce raid à ski (en exagérant, c’est comme débuter avec une transatlantique en bateau). Si vous avez un faible niveau à la montée comme à la descente en ski de randonnée, optez pour quelque chose de plus court pour votre premier raid à ski (2 à 3 jours par exemple) et de moins physique, vous apprécierez beaucoup mieux ce que vous ferez !
Ces choses dites, la Haute Route Cham Zermatt reste un itinéraire majeur par la beauté des paysages, les descentes à ski que vous trouverez sur certains itinéraires. Et si vous n’avez pas la chance d’avoir de la bonne neige et une bonne météo, c’est une aventure au long cours durant laquelle vous apprendrez à déconnecter du quotidien.
Par abus de langage, le terme Haute Route renvoie à la traversée Chamonix Zermatt mais il existe de très nombreuses hautes routes à travers les Alpes. Vous pouvez très bien envisager une haute route dans l’Oberland Bernois (Suisse), dans le Stubai (Autriche), l’Adamello (Italie) ou les Ecrins (France).
Cham-Zermatt, c’est donc une haute route, un long périple à ski qui s’étale entre 5 et 7 jours généralement. Une aventure qui va vous demander quelques ressources : il y a évidemment du dénivelé à enquiller à la montée et à la descente, mais vous allez devoir aussi gérer le froid, le vent, l’altitude, les sacs plus ou moins lourds le tout sur une longue durée. Ce n’est donc pas une simple journée à ski de randonnée. Mais c’est aussi tout ce qui en fait le “charme” : vous allez devoir sortir de votre zone de confort par moment, mais récompensé par le paysage et /ou le chaud refuge le soir (sans parler de la bière à l’arrivée de Zermatt).
Vous passerez également aux pieds de certains géants : le Cervin (4478m), le Grand Combin (4313m), la Dent d’Hérens (4173m) et tant d’autres qui ne passent pas la barre mythique des 4000m mais qui restent quand même impressionnant .
Quand le beau temps est de la partie, qui plus est quand la neige est bonne, c’est un vrai régal. Mais sur une durée de 5 à 7 jours, la météo n’est pas toujours au beau fixe. Il faudra alors composer, s’adapter, renoncer parfois même. La montagne aura toujours son dernier mot.
Vu les paramètres à prendre en compte pendant ces journées qui s’enchaînent, le processeur du montagnard non expérimenté peut vite saturer. Il faudra gérer la météo, la cartographie, l’itinéraire sur glacier, les passages techniques, l’annulation ou pas des refuges, le groupe, les galères (ampoules aux pieds, casse matériel, soucis physique).
Il est possible d’envisager ce périple sans guide évidemment mais il faudra bien se rendre compte de l’entreprise. Si tu comptes sur le fait qu’il y aura un guide pour t’en sortir dans un brouillard à couper au couteau, ça montre à priori que tu n’es pas autonome !
Pour partir en amateur, il est fortement recommandé d’avoir déjà fait un raid à ski glaciaire de moins grande ampleur en autonomie (ie sans guide).
Accessoirement, le guide sera dispensé des conseils pour bien skier, utiliser correctement son matériel, et pourra même fournir des anecdotes sur l’itinéraire (drôle ou pas).
Selon l’itinéraire envisagé, les dénivelés s’étaleront entre 500 et 1000m de dénivelé par jour pour l’itinéraire le plus facile, entre 1000 et 1600m pour des itinéraires plus audacieux.
Prenez également en compte les dénivelés négatifs en considérant qu’avec un sac lourd, la qualité de votre technique à ski à la descente risque de se dégrader.
La poudreuse vous sera souvent vendue mais préparez vous à skier tous les types de neige : en altitude, le vent peut parfois souffler fortement et dégrader la qualité de la neige à skier.
Vous devez donc savoir skier en toutes neiges : vous skiez en hors piste régulièrement et ceux-ci, quelle que soit le type de neige (poudre, croûte, carrelage).
Et bien évidemment, vous maitrisez la technique de la conversion : vous n’avez pas la goutte de transpi qui monte à la vue d’une conversion exposée sur une neige béton.
Pour envisager ce type de raid, il faut :
Avoir de fortes notions pratiques sur la nivologie (étude de la neige) pour savoir estimer les endroits où il est possible de passer en fonction de la dangerosité de la situation avalancheuse. Vous avez donc déjà suivi une formation pratique neige et avalanche (et pas juste un tuto Youtube).
Savoir lire une carte et un topo pour savoir où passer sur le terrain.
Savoir s’orienter dans le brouillard avec une visibilité à 10m sur un glacier avec un GPS et une boussole.
Être autonome dans la gestion de la corde sur un glacier (encordement, sauvetage crevasses).
Être capable de surmonter des obstacles techniques (remontées de pente raid ski sur le dos, rappel éventuellement).
Connaître son matériel et savoir l’utiliser : mettre ses crampons, poser éventuellement un rappel pour certains itinéraires, manipuler son matériel efficacement.
Bref, vous devez être capable de faire face au pire (chute en crevasses dans le brouillard avec vent sans secours possible) et surtout d’éviter le pire (mieux vaut prévenir que guérir).
L’ouverture des refuges le long de la Haute Route conditionne la période pour envisager cet itinéraire. Évidemment, vous pouvez envisager de partir et de dormir dans les refuges d’hiver mais ça ne sera pas la même en termes de poids des sacs (nourriture matin, midi et soir, gaz, réchaud). Ça sera plus sauvage certes mais aussi plus fatiguant.
Les refuges ouvrent généralement entre début et mi-mars. Pour la fin de la période, elle dépend de la quantité de neige présente, en particulier dans les basses vallées. Il était coutume de parler de mi-Mai comme fin de période mais avec la crise climatique, cela va être amené à évoluer.
Les refuges sont souvent pris d’assaut sur les long weekends prolongés, rendant plus difficile l’adaptation aux aléas météo.
Tout dépendra de l’itinéraire choisi. Le plus couru est celui en 6 jours car il permet de ne prendre qu’une semaine de vacances et d’avoir de la marge pour la logistique autour du séjour. Si vous n’avez que 5 jours, il sera possible d’envisager quelque chose au prix de dénivelés plus important. En 7 jours, vous pourrez vous offrir une option avec le “luxe” d’un itinéraire sans liaison en bus/taxi/remontées mécaniques au milieu du périple.
Vaste sujet ! Les possibilités sont nombreuses. Vous pouvez envisager un Cham Zermatt avec des dénivelés inférieurs à 1000m par jour tout comme vous pouvez concevoir des itinéraires avec plus de 1500m par jour et des descentes exigeantes.
Néanmoins, on distingue régulièrement :
J1 : refuge d’Argentière; J2 : Champex; J3 : Cabane de PraFleuri; J4 : Cabane des Dix; J5 : Cabane des Vignettes
Le plus simple donc le plus couru également. Une transition en navette entre Champex et Verbier.
J1 : refuge d’Argentière; J2 : La Fouly; J3 : Hospice du Grand Saint Bernard; J4 : Cabane de Valsorey ; J5 : Cabane de Chanrion ; J6 : Cabane des Vignettes
Un itinéraire plus long, plus dur techniquement et physiquement, tout à ski si la météo le permet.
J1 : refuge Albert 1er; J2 : La Fouly; J3 : Hospice du Grand Saint Bernard; J4 : refuge de Crête Sèche; J5 : Rifugio Nacamuli ; J6 : Cabane de Bertol (en option)
Un itinéraire permettant d’éviter les difficultés techniques du Col du Sonadon, avec des dénivelés conséquents mais des refuges moins courus.
J1 : Cham-Zermatt en 14h54min, avec en prime un nouveau record sur la traversée.
Une performance réalisée par Benjamin Védrines et Samuel Équy le lundi 10 avril 2023.
Le plus simple et aussi le plus écologique est de se reposer sur les transports en commun. En effet, la majeure partie du raid se déroule en Suisse et le pays est doté d’un réseau de transport en commun très élaboré.
Où que vous décidiez de rentrer, vous trouverez un bus en fond de vallée pour vous ramener à une gare de train, train qui vous ramènera à Chamonix (via des correspondances). Le site magique : www.sbb.ch (à noter également l’application très bien faite).
A Chamonix, il est possible de laisser gratuitement pour le moment sa voiture sur le parking des Grands Montets.
A noter que vous pouvez aussi utiliser des taxis pour revenir depuis Arolla ou Zermatt vers Chamonix.
Carte papier : Swisstopo 1/50 000 282S Martigny, 283S Arolla, 292S Mont Blanc
Sur le net : https://map.geo.admin.ch
Haute Route Chamonix Zermatt, François Damilano et Didier Lavigne, JMEditions
Haute Route de Chamonix à Zermatt/Saas-Fee, Michael Waeber, Edition Rother
Vous l’aurez compris, Cham-Zermatt est un itinéraire majeur, mais il n’est pas le seul dans nos massifs. C’est un projet qui demande une préparation méticuleuse et surtout des connaissances solides pour évoluer en sécurité si on décide de le faire en autonomie. Il n’est pas pour autant inaccessible et avec un peu de préparation il pourra être au programme de vos prochains hivers.
En attendant, vous pouvez retrouver notre podcast « Dans la trace » et l’épisode dédié à Chamonix-Zermatt pour en savoir plus sur la haute route de l’itinérance.
Mars 2023, Grégoire Lestienne
pour Community Touring Club
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