Par Tanguy Vulliet.
Trois semaines avant les premières chutes de neige, j’avais déjà acheté mes skis. Trois semaines plus tard, je reste toujours sur ma faim. Elle est où la poudreuse ? Au regard des comptes Instagram que je suis, il y en a mais j’arrive toujours après la guerre, et un épisode de redoux ou de pluie sabote mes idées de sorties.
Cette fois pourtant, on dirait bien que les astres se sont alignés. Sans idée précise d’où aller, je fonce sur tous les sites météos pour vérifier les dires de l’ami Hugo, auteur de ce sms encourageant. Je suis un fervent adepte de la technique de l’entonnoir : sans plan précis, je regarde où il fait le plus beau, où la neige est la meilleure, puis je m’intéresse aux itinéraires possibles.
Meteofrance, meteoblue, meteociel : tout y passe ! Je recoupe les infos, j’analyse les indices de confiance, les schémas multi-modèles : banco, il fera beau autour de Grenoble. J’espère juste que l’icône nuage qui pèse sur le vendredi ne se décalera pas au samedi…
Entretemps, je n’arrête pas de communiquer avec Hugo. On brainstorm sévère, le boulot attendra. On fait des plans sur la comète, on s’excite sur les topos et les comptes rendus de Skitour et CamptoCamp. Qu’est-ce qui a été fait ? Comment ça passe ?
« La joie d’avant est la meilleure des joies » dit un proverbe allemand. Il y a un peu de ça quand on prépare une sortie, on se réjouit à l’avance, on se projette. D’ailleurs, une bonne part de la réussite du projet dépend de sa préparation, de la bonne interprétation des conditions.
Pour l’instant, on trace les grandes lignes de la sortie. Avec l’expérience, on sait que ça ne sert à rien de s’échiner à tout prévoir. La montagne nous réserve parfois des surprises, à nous de nous adapter.
Une fois la météo cernée, je me penche sur les conditions de neige. Direction le Bulletin de Risques Avalanches (le BRA). L’indice de risques est raisonnable pour l’instant : 2 en Oisans et dans les Rousses, 3 en Oisans avec quelques rares plaques en altitude. Je n’oublie pas de lire le descriptif des risques, car un indice reste très… indicatif.
Toutes les données sur le manteau neigeux sont là, ne reste plus qu’à les interpréter au plus juste. Lourde tâche, d’autant que les avalanches n’obéissent pas toujours aux règles des meilleures prévisionnistes. Interpréter le BRA et aller en montagne, c’est aussi accepter une part de risques et d’incertitude. Pour le coup, je sais que ça ne craint pas trop, en dessous de 2000 mètres, le redoux puis le froid très sec a formé une vraie patinoire. Il nous faudra monter en altitude pour nous faire plaisir.
Partants tous les deux de Grenoble, on décide d’aller toucher les sommets des Écrins. De nombreux comptes rendus confirment les bonnes conditions. On se décide pour aller du côté du col du Lautaret, une valeur sûre car haut en altitude.
L’incertitude, c’est un peu le piment de la sortie. C’est elle qui nous force à nous adapter pour surmonter les obstacles, quitte à modifier l’itinéraire au débotté. Parlant de ça, sur les coups de 11h ce jeudi, je remarque que Mère Nature nous a préparé une surprise. Le petit nuage du vendredi, s’est transformé en gros nuage neigeux. Ça pose ! Parfait pour la semelle neuve de mes skis. Moins pour le risque avalanche.
Il faut repenser notre plan du week-end. Trouver les orientations les moins exposées au vent qui souffle du Nord-Est et trouver des pentes moins abruptes. Les couloirs du glacier d’Arsine qui nous faisaient de l’œil attendront un peu.
Sans regret, et avec l’aide de Skitrack, on choisit d’aller tâter la neige du côté des Pics du Combeynot, un classique qui nous laisse le choix sur plusieurs itinéraires selon l’envie et les conditions une fois sur place. De toute façon, on sait que la neige sera au rendez-vous, en qualité comme en quantité. Reste à espérer que tous les étudiants, retraités et autres vacanciers de semaine n’aient pas striés la neige avant nous.
Depuis mardi et ce premier sms, je suis passé par tous les états.
Hugo et moi, on est prêts, avec toutes les cartes en main pour se régaler en sécurité.
Vendredi soir : dernier coup d’œil au topo puis je télécharge la carte sur Iphigénie. Hugo me dit qu’il a imprimé un bout de carte en version papier et qu’il prend sa boussole. Il connaît un gars qui a dû creuser un igloo après s’être complètement perdu dans le blizzard parce que ses appareils électroniques se sont tous déchargés à cause du froid. Depuis, sa boussole et sa carte papier ne quittent jamais son sac.
Demain réveil 6h pour être dans les premiers sur place. Un samedi avec tempête de ciel bleu et neige fraîche, il y aura sûrement du monde. Je m’endors des virages carte postale plein la tête.
Crédits photos : © Community Touring Club
