Vendredi 06 mars 2015, il est 18h30. On se retrouve autour d’un barbecue après une journée de freeride plutôt délicate : les 50 cm de neige fraîche tombés la veille en compagnie d’un vent historiquement (de mémoires d’anciens) tempétueux (de l’ordre de 200 km/h) ont créé de très grosses plaques difficilement décelables. Pour ne rien arranger, il fait une chaleur indécente pour la saison. C’est la première fois qu’on hésitera aussi longtemps à partir sur un itinéraire hors-piste, tant les conditions sont délicates et exceptionnelles. Au final on renoncera, le risque étant trop grand.
Les diots fument sur la grille quand, devant le bulletin météo, l’idée me vient. Les prévisions annoncent un bon créneau pour la montagne : isotherme 0°C en hausse vers 3000 m, vent en baisse et soleil au rendez vous… J’évoque l’idée à mes compagnons de festin : « et si on partait demain pour plusieurs jours en montagne avec comme objectif l’ouverture d’une Highline sur le sommet des Œillasses ? ».
Ce projet, nous devions le mener à bien durant l’été 2014 mais les conditions météo exécrables et plus précisément la neige en plein mois d’août nous avaient poussé à rebrousser chemin au beau milieu de l’assaut final… Les questions fusent : la neige, le caractère hivernal du projet, l’éloignement de ces montagnes… Chloë (monitrice de ski à mi-temps et boulimique d’activités physiques) fini par être convaincue, Jeremia (guide patagonien au proverbe récurrent : « Que hacer hoy ? ») un peu moins. Pour moi (Romain, moniteur d’escalade parfois) c’est décidé, on prend notre chance et on part la haut pour prendre notre revanche ! Quelques coups de téléphone plus tard, on a deux nouvelles recrues : Fred Sansoz (ingénieur, une femme et un enfant) et Julien Fontanelle (photographe, vidéaste et bientôt non-fumeur).
Samedi 07 mars 2015, il est 11h. Le téléphone sonne, ce sont les Italiens ! Nous n’arrivions pas à les joindre jusque là, mais il n’est jamais trop tard … On leur explique le projet, ils n’hésitent pas un instant à se joindre à l’équipe ! Giulio, Matteo et Nico sont tous les trois natifs des Dolomites et sont moniteurs de ski à la Plagne l’hiver.
Il est 16h30, on finit de paqueter le matériel sur nos sacs déjà bien chargés… Petit briefing, avec Julien notamment car c’est sa première sortie en ski de rando et c’est parti pour le refuge du Ruitor. Beaucoup de kilomètres à plat et 1000 m de dénivelé positif pour accéder à cette vallée magique. Julien s’offrira quelques crampes et une arrivée à la frontale au refuge bondé (et oui c’est samedi..) Un bon plat de riz, un petit briefing, quelques timelapse en attendant la lune presque pleine….
Dimanche 08 mars 2015, 5h. Un bol d’avoine rapidement englouti, on essaye de retrouver les copains au milieu des dortoirs… Bilan : on perd deux ritals préférant rester au chaud… Départ avant l’aube dans ce vallon surréaliste, les jeux de lumière se multiplient et le soleil ne tarde pas à pointer sur le sommet du mont Pourri. Comme à l’habitude les couteaux sont restés à la maison et on les regrette vite dans du beau raide béton.. Heureusement le calvaire est de courte durée et on se retrouve rapidement sur le lac du Petit. Petit briefing 100 m sous l’attaque de la paroi, en attendant le Ju qui peine dans le raide. Les crampes l’obligent à baisser le rythme, tandis qu’on attaque à pied les skis dans le dos, la dernière pente.
On arrive en bas de la face avec les premiers rayons de soleil.
L’accès se fait par un couloir vraiment raide et Fred en bon alpin ne peut pas s’empêcher d’aller à son sommet pour s’offrir quelques virages sautés. Préparation délicate dans un bon 45° avec 40cm de neige fraîche… C’est parti pour 200 m de grimpe bien sympa avec Chloë, ambiance montagne en semi-hivernal. Nico et Fred partent en parallèle dans une autre voie sans coinçeurs. Ils ne croiseront qu’un piton en dehors des relais équipés ! Ambiance…
Il nous faudra deux bonnes heures pour arriver au sommet, plutôt aérien. Et Julien ? Trop de crampes et de fatigue, il reste en bas. Quelques graines et on se met à l’installation de la highline. Nico négocie parfaitement l’accès délicat dans des touffes gelées à l’autre côté. Un coup de mouflage et la ligne est prête ! Il est 14h et on est déjà bien secs !
On se fera tous bien plaisir sur cette superbe ligne d’une trentaine de mètres, au panorama incroyable. La météo est de notre côté : grand beau, chaud et pas un poil de vent. 17h : on démonte rapido, rappel, descente du couloir, on rechausse les skis et…. 17h50 ça a déja resserré ! Grrrrr… on galère un peu dans la croûte avec les gros sacs. 18h30 : on retrouve les copains au refuge et on fini par un derby improvisé à la frontale jusqu’aux voitures ! 20h15 : pizzas, bières.
Lundi 09 mars, 9h, tous au boulot, bien fatigués après cette mission improvisée… Un beau week-end entre potes en montagne comme on les aime !
Texte : Tejrom
Photos : Chloë Roux-Mollard