Il n’y a rien d’anormal, si tu n’es ni amateur de vierges noires, ni pratiquant catholique, ni un fin connaisseur des sites classés au Patrimoine mondial de l’Unesco, de n’avoir jamais entendu parler d’Oropa.
Je ne savais rien de cet endroit avant d’être invitée par Giuliano et avec Bruno pour y passer un weekend. Nous sommes conviés par une association, Sensa Cunisium, formée par des jeunes locaux, extrêmement motivés et déterminés à sauver leur station de ski menacée par les difficultés financières. Au pied de cette montagne, il n’y a pas seulement ce lieu saint, on peut aussi prendre d’altitude pour admirer l’immensité architecturale du sanctuaire par le téléphérique. Et là, c’est une autre histoire, un grand pas en arrière dans le temps…
La gare de départ est située juste derrière le dome de la cathédrale principale, mais le style n’est pas le même. Le temps s’est visiblement arrêté il y a 40 ans. Les premiers skieurs de samedi arrivent au parking au même temps que nous, et en regardant leur matériel et les vêtements, on recule encore dans le temps ! Mais ça parait tout à fait normal ici… Ils ont le sourire aux lèvres, pas de stress car ils vont passer une belle journée de ski de randonnée dans ces montagnes sacrées. Un sourire tout comme le mec aux caisses des forfaits où on se présente pour les pass 2 jours. Il nous tend les pass même avant que l’on donne nos noms : peut-être sommes-nous ceux qui sont hors du temps ici ?
L’accueil à l’italienne est très amical et contraste avec la vétusté des bâtiments à l’intermédiaire est frappant. Le vent circule librement et les murs s’effritent en formant des tas de poussière de béton sur la neige fraiche à l’intérieur. Les deuxièmes tronçons sont condamnés.
Comme toujours en Italie, la journée de ski commence par un bon café. Le restaurant-refuge Savoie à l’intermédiaire accueille les randonneurs été comme hiver et s’avère d’être un endroit bien vivant par rapport au silence qui règne autour.
Une fois les peaux collées, nous partons à la découverte en direction de Mucrone, un sommet qu’on pouvait atteindre par un deuxième tronçon de téléphérique il y a encore 10 ans. Aujourd’hui, tout est démonté. On grimpe, on skie, Daniele shoote, on tente des passages, ça passe, on s’amuse !
En fin d’après-midi, nous allons suivre l’autre ligne de remontée en peaux de phoque, ligne qui va nous amener à Monte Camino et au refuge où on va passer la nuit. Rifugio Capanna Renata nous accueil chaleureusement. On est une bonne vingtaine. Petit à petit on apprend l’histoire de cette station et l’importance de la lutte pour essayer de la sauver. On se sent honorés d’être là, la sincérité de ces jeunes nous motive en profondeur pour les aider. On est tous assis autour de la grande table du refuge qui commence à se remplir de plats divers. L’hospitalité italienne n’a parfois pas de limite. Nous ne pouvons qu’apprécier. Ces gens là savent vivre et on s’inspire de ce moment de convivialité.
La nuit est claire avec la pleine lune. On voit la vallée éclairée tout en bas avec une petite brume qui tente d’épouser les formes des vallons. Nous décidons de se rhabiller pour affronter le vent qui lui, est violent sur la crête juste en dessus du refuge. Nous voulons immortaliser ce moment avec une lumière incroyable, tamisée, qui éclaire la neige sculptée par le vent. Daniele nous demande de rester immobile, une chose pas facile après quelques verres de vin et surtout avec ce vent, pour happer un maximum de lumière avec son appareil…
Déjà nous sommes en train de prévoir notre retour dans cette station en sursis. Et aussi pour garder le contact avec ces gens amoureux de leur montagne et de leur pratique. Ils nous ont démontré qu’ensemble il est possible de changer le cours des choses. L’automne suivant les travaux ont été réalisés à l’intermédiaire et le deuxième tronçon de remontée vers Monte Camino sera ouvert pour la saison hivernale.
Texte : Minna Riihimaki
Photos : Daniele Molinaris