On ne présente plus Bruno Compagnet, co-fondateur de Black Crows, très grand skieur devant l’éternel et créateur de La Sentinelle. Pour CTC, il revient sur cet événement dédié aux « skieurs de montagne ».
Par Aurélien Colin
Bruno, on te connait comme un skieur au style unique, l’un des fondateurs de Black Crows ; quel skieur es-tu aujourd’hui ?
Je suis un skieur en déclin (rires) ! A vrai dire, je suis un skieur qui a adapté sa pratique à son âge. A 50 ans, la mécanique de mon corps est un peu moins infaillible qu’auparavant, donc je me suis trouvé des outils pour pouvoir continuer à skier en me faisant plaisir. Je continue à adorer le ski pour la descente, mais j’oriente de plus en plus ma pratique vers la peau de phoque.
Aujourd’hui, ce que beaucoup de marques et pratiquants appellent la « freerando », c’est le ski de rando d’il y a 10 ans.
Je reste un vrai passionné qui cherche les bonnes conditions pour skier, mais mon activité est plus localisée qu’auparavant, j’essaye de rester sur l’arc alpin où il y a déjà énormément de choses à faire entre la France, l’Italie et la Suisse. Dans tout cela, je continue à être ambassadeur Black Crows, et donc à être pas mal sur la neige.
C’est dans cet état d’esprit que j’ai eu envie de créer la Sentinelle.
La Sentinelle, c’est quoi ?
C’est un rassemblement de « skieurs de montagne », qui a été pensé pour des pratiquants et des passionnés qui vont en montagne avec des peaux mais qui ne regardent pas uniquement le poids. Ils vont avant tout monter pour descendre. Ça n’est PAS une compétition.
On y cultive goût de l’effort, mais pas le culte de la performance.
La Sentinelle, c’est un micro-événement où l’on n’est pas plus d’une cinquantaine. Cette notion de communauté me parait essentielle dans le ski de montagne, parce que souvent, on ne skie qu’à 2 ou 3. Partager ces moments, faire des rencontres et vivre sa passion du ski, hors du temps ou presque.
Pour autant, la Sentinelle ça se veut sérieux et ça challenge un peu les gars. On passe « quelques » heures dehors et ça laisse des souvenirs ! Je veux que les gens se rappellent de cet événement.
Quel est l’état d’esprit de cet événement ?
Tout le monde est logé à la même enseigne et au même endroit afin de pouvoir échanger. Pour favoriser ou créer cet état d’esprit, on demande de manière informelle aux gens d’amener un peu de produits locaux de chez eux. C’est la base des rapports humains que de partager et de s’ouvrir aux autres.
On passe 4 jours ensemble avec les ‘weather days’, donc théoriquement tout le monde a le temps de discuter et rider avec tout le monde, et c’est vraiment ce que l’on cherche.
Sur la grande boucle, on fait environ 2300 à 2400m de D+ par jour avec des skis de 100mm au patin.
C’est pas vraiment anecdotique ! Mais on prend le temps, on y va doucement et ça passe.
L’an passé, le plus jeune participant avait 17 ans, le plus âgé avait 65 ans et on avait 14 nationalités représentées. C’est cette différenciation qui est intéressante, elle permet des échanges et des moments riches autour de cette culture commune du ski de montagne et des beaux itinéraires.
C’est déjà la 5ème édition, vers quelle destinée s’oriente cet événement ?
La Sentinelle ne deviendra jamais un événement grand public avec des centaines de participants. On a des idées pour le faire évoluer, mais pas pour changer le format en termes de participants. C’est ce que recherchent les « postulants » (NDLR : il faut écrire une lettre de motivation pour pouvoir participer et être sélectionné), mais également nos partenaires comme Patagonia et Gore-Tex.
Peut-être que l’on modifiera légèrement le concept, avec des équipes, mais rien n’est vraiment validé pour le moment. Dans tous les cas, en termes de sécurité et de logement, ça n’est pas possible de le faire grossir radicalement.
Chaque édition de la Sentinelle est différente. C’est une expérience, mais c’est une expérience vraie. Ce qu’on recherche, c’est de faire un beau parcours.
Le mec qui participe à la Sentinelle, il s’en souviendra !
La 5ème édition de la Sentinelle, prévue au Mont Viso aura lieu du 12 au 15 mars. Compte tenu de la situation actuelle avec un enneigement faible et le coronavirus, un changement de lieu est à l’étude mais cette édition aura bien lieu, et le ski de montagne écrira une nouvelle page, une page dont le chef de file n’est pas prêt de s’arrêter de tracer sa ligne.
