Même dans les Dolomites, la neige manque. Pour les locaux, la saison a commencé mercredi dernier, avec des chutes de neiges conséquentes et providentielles… enfin. Les cailloux ne sont pas loin et lors du premier jour de reconnaissance, Paolo Marazzi s’est tiré le genou sur un shark aux dents longues. » Il y a 40 centimètres de neige fraiche légère sur les versants nord, posée sur pas grand chose, une sous-couche très fine, il faut skier sur des oeufs. Dans la forêt il y a moyen de bien s’amuser. C’est la première fois de l’année qu’ils ont ces conditions-là, on a de la chance ! « , explique le skieur Pat Vuagnat.
Pour la quatrième année, Arc’teryx a réuni dans la station des Dolomites des photographes et skieurs, pro et amateurs, pour son concours photo King of Dolomites. Pendant deux jours, les 8 équipes pro (sélectionnées et invitées) et les 39 teams amateurs, ont shooté autour de la station, sur ces trois domaines très différents : Tognola avec ses runs en forêt, Passo Rolle avec son terrain plus plat, et Rosetta avec ses pentes alpines entourées des falaises typiques des Dolomites. Les teams devront jouer avec ces conditions délicates pour shooter l’image qui gagnera l’un des quatre catégories, dont la plus convoitée, celle overall du King of Dolomites.
L’ambiance est décontractée, chaque équipe a deux jours pour faire leurs images, sans aucune autre contrainte que de livrer samedi soir leur production pour qu’elle soit jugée dimanche matin par un jury composé du skieur Stian Hagen, du rédacteur en chef du principal magazine de montagne polonaie Piotr Drozdz et Maxime Alexander, chef-opérateur dans le cinéma. Tous trois ont l’oeil particulièrement affuté.
Pourquoi San Martino di Castrozza, une station méconnue entourée de ces murailles si caractéristiques des Dolomites et aux sommets dépassant 3000 mètres d’altitude ? L’initiative de l’évènement revient aux locaux, il y a trois ans, et Arc’teryx s’est greffé sur cet évènement discret et bien né.
Après deux jours d’efforts, les teams rendent leurs images. Il est presque minuit samedi soir et le photographe Klaus Polzer travaille encore dans le lobby de l’hôtel sur une image noir et blanc. Il peaufine la clarté sur les gerbes de neige qui donnent à cette image puissante de la légèreté. C’est d’ailleurs cette image qui gagnera le principal prix de King of Dolomites. En ayant personnellement tâté de la poudreuse (et surtout des cailloux dessous), c’est presque incroyable de voir sortir des images de cette qualité.
La sélection se révélera solide… autant chez les pros que chez les amateurs. » Le niveau des amateurs est vraiment impressionnant « , commente Stian, » certains auraient tout à fait leur place dans les catégories pro ! «
Les trois juges sont réunis dans une salle aux fauteuils de cuir rouge de l’hôtel Regina. Piotr, Stian et Maxime commentent les photos avec chacun son regard professionnel. Un jugement pointu. Dès le début, une photo traitée monochrome jaune retient leur attention, « on voit qu’il ne pose pas qu’un virage pour le photographe, il y a de la poudreuse en suspension derrière« , commente Stian, avant de balayer la photo suivante d’un « seriously ? » devant la piètre qualité qui détonne dans la sélection pro.
Dans la catégorie alpinisme, Piotr regrette l’excès de netteté qui crée un effet de halo sur la crête de la montagne sur cette photo noir et blanc… qui ne sera pas retenue. « Les parties plates sur le devant de la photo atténuent le côté dramatique de la photo », commente Maxime, sur la suivante, Stian tranche : « c’est une photo de catalogue ! ». Celle-ci retient le jury un bon moment : « enfin une photo calme« , commente Stian, » plus tu regardes la photo et plus tu decouvres des détails « , pour finalement boucler une catégorie en désignant le vainqueur évident.
La catégorie King Of Dolomites, la seule mixant amateur et pro (et donc permettant à un amateur de gagner devant un pro… ce qui ne sera pas le cas cette année), accompagne chaque photo d’une courte légende expliquant ce qui se passe derrière l’image. C’est la photo noir et blanc de Klaus Polzer, une indiscutable réussite, qui remporte cette catégorie. Une photo amateur dans la catégorie paysage et alpinisme provoque d’intenses discussions, à la fois sur le travail technique et sur l’originalité de l’ambiance, incitant à de passionnants échanges sur la position des riders, sur la qualité de la lumière… discussions poursuivies sur le fichier photoshop d’origine pour comprendre comment le photographe avait fabriqué ce petit univers si particulier. Cette photo ne terminera pas malheureusement pas sur le podium… mais décroche une mention spéciale (ci-dessous).
Le vainqueur du prix principal, mêlant amateurs et pros, le King of Dolomites, est Klaus Polzer, un photographe allemand. Le Norvégien Sverre Hjørnevik remporte la catégorie Pro Action and Paysage, Christoph Oberschneider gagne dans la catégorie Pro Alpinisme et Stephan Kothner s’adjuge les catégories Action et paysage. Le meilleur amateur dans la catégorie Alpinisme est Andrea Costa.
C’est passionnant de voir ce que les photographes ont retenu du terrain, ce qu’ils ont visé, cadré, transformé en image. Le photographe fabrique une autre réalité à partir de ce que la réalité lui donne. La réalité cette année, c’est une fine couche de neige empêchant d’appuyer les turns, des pentes souvent tracées, un temps variable mais aussi de la lumière changeante, le paysage des Dolomites toujours impressionnant, même depuis la terrasse du restaurant et le style des skieurs bien sûr. Ce que les photographes en ont fait, c’est ce portfolio…