Choisir une station qui a des pistes de randonnées balisées et sécurisées (cf. notre dossier sur les stations), conseille Mathieu. Cela vous permet de mettre les skis dans la trace, de faire vos premiers pas et levers de talon en sécurité sur un terrain préparé. Les itinéraires balisés se sont multipliés l’hiver dernier dans les stations, et vous n’avez plus besoin de monter sur un bord de piste… Enfin, je viens d’en voir, aux 2 Alpes, en ce début de saison, sur le glacier : une randonneuse en milieu de piste et des cafistes sur les bords !
Si vous savez skier, la gestuelle de la randonnée n’est pas très compliquée à maitriser.
Limitez les efforts, faites glisser les pieds, ne les levez pas ! Poussez le pied devant, ne marchez pas avec, sinon c’est beaucoup plus dur ! La plupart du temps, je mets peu ou pas de cale, ça facilite les premières évolutions, avec des cales trop hautes tu fais des foulées moins grandes, donc tu augmentes l’intensité et donc le rythme cardiaque. Une trop grande cale, c’est comme skier avec des talons aiguilles.
Ne perdez pas de vue que la randonnée est un sport qui demande beaucoup d’énergie, donc il faut penser à s’alimenter et s’hydrater (1 litre minimum par personne… et pas une canette de coca ! C’est du vécu, raconte Cédric. J’ai dû filer ma flotte à des clients et j’ai mangé de la neige. Depuis, je vérifie toujours qu’ils ont suffisamment d’eau dans le sac avant de partir sinon ils restent en bas !). Au-delà de 40 à 45 minutes il faut faire une pause, manger et boire. Beaucoup de randonneurs novices démarrent très bien et au bout de 20 minutes, c’est un calvaire, ils coulent une bielle. Partez doucement…
Ensuite, la chaleur et le froid entrent en jeu. Contre le soleil : un chapeau ou une visière pour se protéger. Le froid te bouffe de l’énergie quand tu fais une pause, donc il faut une doudoune dans le sac, et pas seulement une petite polaire. La différence de température peut être énorme d’un versant à l’autre, d’une heure à l’autre.
Côté matériel : louez. Cela vous permet de tester et d’avoir des conseils basiques sur le fonctionnement de la fixation, de la chaussure et apprendre à mettre les peaux, ce qui n’est pas évident au premier abord. Vous pourrez aussi mieux identifier votre pratique et éviter de prendre des allumettes molles si vous aimez descendre ou des skis trop lourds si vous aimez monter. La plupart des débutants ne savent pas quoi choisir en ski de rando.
Premier point : il faut des fixations à inserts. Depuis 4 ans et avec l’évolution du matériel, il n’y a plus aucun interêt à utiliser d’autres systèmes (comme les Guardian de Salomon ou les Diamir). Ces fixations font partie du passé, elles appartiennent aux musées, pas à la neige et, je vous enlève tout de suite une idée reçue : elles ne sont PAS mieux quand on est débutant ! Certes, il faut s’adapter, mentalement aux petites fixations à inserts, mais cela vient vite. Dans des fixations comme la Beast de Dynafit ou la Kingpin de Marker, on a des sensations très proches des fixations de ski alpin.
Les skis font en général 80 mm de large sous le pied et les chaussures à collier déverrouillables. Pour la chaussure, il faut se sentir bien dedans, que le pied soit bien serré dans la pompe mais en gardant un peu de liberté. Le poids n’est pas un enjeu pour le moment. Louez des chaussures de rando les plus modernes possibles car en à peine cinq ans les évolutions ont été importantes. Aujourd’hui, toutes les marques proposent des pompes faciles à utiliser, parfois lourdes mais qu’importe, et confortables. Petit conseil : chaussure ouverte à la montée, gardez le scratch fermé sur le collier pour que le chausson reste fermé et empêche le pied de bouger à l’intérieur.
Réservez une heure d’initiation avec un moniteur de ski, c’est une porte à laquelle frapper pour découvrir les rudiments de la pratique.
Une heure d’initiation rando, moi je les accompagne chez le loueur. Je les familiarise avec le matériel, explique Mathieu, comme de bien serrer les chaussures pour éviter les ampoules, je règle leurs bâtons télescopiques, etc. Sur une initiation, je commence sur un terrain plat et en fin de séance, j’apprends à faire une conversion. Je leur apprends qu’il faut se déshabiller pendant la montée, prévoir des couches supplémentaire à mettre avant la descente, je leur apprends l’utilisation des couches. Sinon, ils ont leur veste et attendent 30 minutes avant d’être en sueur et d’enlever leur veste. Les vêtements modernes permettent de gérer la température de façon très efficace. Je leur apprends à mettre, enlever et ranger les peaux correctement. Je propose en général 400 m de montée, indique pour sa part Cédric. Soit 1h à 1h30 d’effort, petite balade qui est déjà un beau tour pour un novice qui n’est pas habitué à marcher avec des skis aux pieds, ni au mouvement du corps.
Pour beaucoup de skieurs, la rando permet surtout d’accéder à des pentes raides, à des couloirs hautement convoités. Donc l’évolution vers ce genre de terrain est logique. Premier point : toujours se faire accompagner. Ensuite : soignez la préparation. Enfin : faites-vous plaisir !
Renseignez-vous : bureau des guides, topos papier et internet, pisteurs (même si une fois sur deux tu tombes sur un pisteur qui te dit que c’est trop dangereux, qu’il ne faut pas y aller, alors que ça passe tranquille). À La Chamoniarde, il y a plein de conseils, de retours terrain récents, avec des infos factuelles, pas des avis.
Dans les Dolomites, le bureau des guides était toujours notre premier stop avec Cédric, raconte Mathieu, pour nous informer sur les conditions d’enneigement des itinéraires. On a toujours fonctionné comme ça ensemble dans nos trips. Tu ne peux pas y aller à l’aveugle et internet n’est pas forcément réactualisé tous les jours.
Et puis si on parle d’un rappel dans les topos mais est-ce qu’il y a un ancrage ? Par exemple, le couloir qu’on avait regardé sur les vidéos descendait super bien… sauf que l’hiver suivant il fallait poser un rappel de 15 mètres ! Si tu n’as pas de corde, tu dois déchausser, tu t’exposes à la chute et tu remontes à pied. Autre exemple : le couloir Holzer, on l’a skié à bloc de haut en bas mais l’hiver suivant mes potes ont du faire des virages sautés de bout en bout et poser un rappel de 15 m. À San Martino de Castrozza, on avait repéré un couloir qui avait l’air de passer d’en bas. Mauvaise analyse : on s’est retrouvé devant un rappel de 8 m, le photographe a tenté le saut et fait des tête-pied sur cent mètres… En se renseignant, on aurait évité cela. De plus, une surfréquentation peut enlever la neige et faire apparaitre une dalle… et il faut une corde pour passer.
Autre option vraiment efficace : passez une journée avec un guide local pour qu’il évalue votre niveau et vous dise si vous êtes capable ou pas de rider les pentes que vous convoitez.
Evidemment, se renseigner sur la météo, sur les conditions d’enneigement mais aussi le timing nécessaire à la réalisation de l’itinéraire. Le couloir Del Preté (appelé aussi Vallençant), quand j’y suis allé avec Eva Walkner, on a mis 1h30 pour parcourir 100 m d’arête ! Ce n’est pas parce qu’il fait beau le matin qu’il fera beau l’après-midi quand vous serez au milieu du couloir. Les conditions peuvent changer de façon significative d’un jour à l’autre (vent, température). N’oubliez pas de consulter le bulletin de risque d’avalanche BRA de Meteo France.
Enfin, sachez renoncer : « l’hiver dernier, j’ai fait demi-tour 5 ou 6 fois dans l’hiver », précise Cédric.
Sur le plan technique, il faut maitriser le virage sauté (et Cédric est un grand spécialiste du geste, ndlr). Il faut se jeter dans la pente, c’est impressionnant mais très confort une fois maitrisé. Tu ne te mets jamais vraiment en danger car tu as des appuis sûrs. Sur un beau virage sauté, tu n’as pas de déséquilibre car tu plonges en avant et tu récupères tes appuis. Tu peux évoluer avec confiance. C’est comme la conversion !
Dans le choix des pentes, le risque pour un skieur qui n’a pas une technique de dingue est la chute. Méfiez-vous des qualités de neige. Un couloir peut-être « velours » un jour de poudre mais un véritable enfer avec du béton sous la spatule. Prenez l’habitude d’estimer l’exposition d’un itinéraire, c’est un risque plus important que l’avalanche. Les gars ont des airbags, des casques et des parachutes, mais si tu as un pierrier géant ou une falaise sous toi, rien ne peut te protéger. Il faut bien avoir conscience de l’exposition d’une pente et se laisser des options.
Estimez avec lucidité votre état physique et mental (et celui de vos compagnons), car certains jours ton virage sauté sera nickel, un autre jour tu vas te rater en pensant à ton courrier de l’URSSAF.
Le facteur humain justement, parlons-en. Soyez sûrs de vous et sûrs de votre copain, c’est comme un compagnon de cordée en alpinisme : chacun veille sur la sécurité de l’autre. J’ai emmené un jour un copain en rando et il m’a assuré qu’il avait la caisse pour faire 2000 m de dénivelé. Il a claqué au bout de 700 m. Avec Pugin, quand on part ensemble, on se dit la vérité sur notre condition et on adapte l’itinéraire en fonction.
Enfin, soignez la préparation de votre matériel. Il faut être minutieux : skis affutés, chaussures en état (passer en mode marche dans du 45° de pente, c’est moyen), vérifiez les vis de la talonnière de vos chaussures, elles ont tendance à se défaire avec les vibrations et si vous perdez la partie métallique, vous ne pouvez plus chausser ! J’ai un jour contrôlé un client qui a du retourner au magasin. Heureusement que j’avais vérifié avant de partir et pas au sommet de la pente, c’aurait été trop tard !
Il ne faut pas partir faire de la rando, même si c’est pour une période courte, comme une balade dans le parc. Il faut prendre à boire, à manger (un bout de sucre ou un abricot sec, des céréales type muesli avec des noix que je mets dans un sac congélateur qui se zippe. Je me fais aussi des mélanges : abricots secs, raisins sec et amandes… et jamais de barres de chocolat). Une doudoune ou une couche de chaleur en plus (si le vent se lève, tu peux vite avoir froid), une paire de lunettes et un masque de rechange (important si ça tourne à la tempête), une paire de gants de rechange… Et puis de la crème solaire, un tour de cou, un bandeau, une trousse de secours (avec pansement, antalgiques, antidouleurs). Pour boire, mon secret c’est de l’eau + sirop + pincée de sel, ce mélange permet de combler les dépenses et c’est mieux que les boissons énergétique type Isostar.
Sur les sorties longues, j’ai aussi une gourde d’eau. J’aime bien les gourdes en plastique souple qui ne prennent pas de place une fois vides. Jamais de Camelback (et autres poches à eau) parce que si le tuyau gèle, tu ne peux plus boire ! Je rajoute une lampe frontale, une radio, une cordelette en kevlar, fil de fer et une mini-mince pour réparer une fixation, un rouleau de duct-tape sur les bâtons pour réparer une peau qui ne colle plus ou une doudoune qui sème ses plumes après une déchirure sur le rocher !
Je continue la liste : boussole, smartphone avec de la batterie et, comme 95% des guides et moniteurs, l’appli Iphigénie, indispensable même sur un terrain que tu connais quand il y a du brouillard. Pour des sorties de plus d’une journée, j’ai une batterie pour recharger le smartphone. J’ai toujours la radio chargée et éteinte dans le sac, un couteau, des chewing-gums pour éviter de prendre une brosse à dents au refuge.
Au total, je suis à 8 kg pour une journée, précise Cédric. Ah, j’oubliais la couverture de survie et DVA/pelle/sonde (mais ce n’est pas la peine de le préciser) et puis j’ai toujours 30 mètres de mini-corde, une paire de crampons légers, un piolet léger et un baudrier léger.
Quand je fais mon sac, ajoute Mathieu, je prends beaucoup de temps, je le réouvre au moins cinq fois quand je sais qu’on va dans des endroits engagés. Tu ne peux pas te permettre d’oublier quelque chose (j’ai eu des potes qui avaient oublié leurs crampons et s’en sont rendu compte au pied du couloir : retour maison !). II faut avoir TOUT ton matos. Vérifier et revérifier ! Par exemple le descendeur que tu avais enlevé de ton baudrier et que tu n’as pas remis, hein ? Je m’arrête un instant sur les gants : c’est une question de sécurité ! Tu as froid aux mains et tu dois crapahuter dans les cailloux ? Les prises sont moins sûres, tu as moins de sensations et tu te mets en danger… juste pour une histoire de moufles oubliés. Pour enlever les crampons ou les peaux, des gants sont indispensables.
Je me souviens quand je commençais la rando, on se mettait des tourtes… on ne transférait pas le poids sur le pied avant, du coup tu te retrouves sur les orteils, tu finis le nez dans la neige…
Il y a quatre ans, je suis tombé dans une sortie en fin de saison, je me suis brûlé les avant-bras, la neige de printemps est très abrasive ! Maintenant je me concentre pour les conversions, se souvient Mathieu.
Alors, c’est pas très compliqué. Il faut prendre confiance dans une trace existante, bien faire l’ouverture des jambes et mettre le ski dans la trace. Tu économises énormément d’énergie, pas comme ces skieurs qui se font mal, crispés sur leur bâtons. En général, les débutants s’épuisent dans les conversions, s’essoufflent rapidement. Allez, on y va ! Avec le pied aval, il faut aller en fin de trace, avec une ouverture à 180° (si tu ouvres à moins, les peaux peuvent glisser). Tu poses le pied amont à plat le plus loin possible dans la trace. Ensuite vient le moment critique : transférer le poids du corps sur ce ski amont (il faut oser, c’est le défaut principal des débutants). Cela fait, tu retrouves ton équilibre. Autre défaut souvent observé : planter les deux bâtons entre les jambes ce qui empêche l’ouverture.
Ensuite, il n’y a plus qu’à ramener la seconde jambe vers la trace et si le ski est bien équilibré, un simple mouvement fait remonter la spatule (le « tapé de talon ») et se repositionne dans l’axe. Ce mouvement évite que la spatule, alourdie par la neige, s’accroche à la neige. Bien monter le pied contre la jambe avale et le ski se repositionne tout seul, sans effort. La première fois qu’on réussit, c’est magique !
Pour résumer : les crampons c’est pour marcher avec les skis dans le dos, les couteaux permettent de garder les skis et le déroulé du pied.
Moi je suis crampons, dit Mathieu, j’en ai souvent besoin. Dès que tu galère avec tes skis, tu les mets sur le sac et hop, ça marche ! J’ai toujours une paire de crampons et je ne prends jamais mes couteaux. Pour des débutants, les couteaux sont malgré tout utiles pour les sécuriser sur une neige dure avec un peu de dévers, un terrain qui ne poserait pas de problème à un skieur expérimenté. Il suffit de les glisser dans un rail, sous la fixation, et ils sont rapidement en place.
Ce que tu perds en qualité de glisse, tu le gagnes en sécurité.
Pour remonter un couloir ou une pente, tu peux tailler des marches avec les chaussures, mais c’est épuisant et peu sûr, alors qu’avec des crampons c’est facile. Les crampons peuvent vous sortir d’un mauvais pas ! Les crampons sont bons pour les terrains escarpés ou de la neige dure de printemps. Quand tu ne connais pas le terrain, il faut prendre des crampons par sécurité. Il y a eu pas mal d’accidents de gens qui ont voulu remonter des pentes, ils enlèvent leurs skis et glissent sur les cailloux ou la neige dure et c’est terminé, ils sont en bas.
Il y a quand même des cas où les couteaux sont utiles, précise Cédric. Au printemps avec un regel faible, les skis flottent en surface alors qu’à pied tu enfonces jusqu’aux genoux. Si tu as des couteaux, tu es le roi du monde (et ça m’est déjà arrivé !).
Initialement publié dans Montagnes Mag Hors-Série Rando.