-Comment t’es venue l’idée ?
-J’étais en trip au Maroc, dans un refuge au Toubkal. La neige était vraiment mauvaise. J’étais allongé et je me disais que j’avais skié dans le monde entier et là, je venais de voyager 5 jours pour skier une neige pourrie ! J’ai grandi à Oslo mais j’ai passé beaucoup de temps dans le massif au centre du pays qui rassemble les plus hauts sommets du pays. Je n’y étais pas retourné depuis 20 ans et je me demandais ce que je pourrais bien ressentir à skier de nouveau chez moi après deux décennies à skier autour du monde. J’ai commencé à regarder comme relier les refuges existants et voilà comment l’idée est née. J’ai emmené une équipe de tournage et j’ai testé le potentiel de ride autour des refuges et c’était vraiment bon !
-Comment pratique-t-on le ski de randonnée en Norvège ?
-Traditionnellement, on va de refuge en refuge en restant au fond des vallées, on ne monte pas sur les sommets. Le ski de randonnée explose en Norvège mais si un refuge compte 200 places (certains sont très grands, parfois avec des piscines !), personne ne reste la nuit. Ca c’est une première chose. La seconde, c’est qu’il y avait 80% de randonneurs équipés de ski de fond et 20% en skis de rando. Aujourd’hui la proportion est inversée. Donc les Norvégiens ont besoin d’une Haute-Route, un itinéraire classique sur plusieurs jours.
-Tu as passé combien de temps à dessiner cette Haute-Route ?
-Des années ! La Haute-Route entre Chamonix et Zermatt a été conçue pour des marcheurs, moi j’ai abordé la question purement d’un point de vue de skieur. J’ai essayé de bien faire coïncider tous les segments et étrangement, tout s’est bien mis en place, presque naturellement.
-Tu nous la décris ?
-Elle commence à l’est, là où les montagnes sont des collines arrondies, peu intéressantes. Ce premier jour est toutefois magique parce que tu entres littéralement dans un paysage de montage qui se révèle progressivement. Le terrain est très différent des Alpes puisque c’est principalement un plateau montagneux avec des pics qui en émergent. Il n’y a pas de vallées profondes comme dans les Alpes, c’est un terrain ouvert avec un sentiment d’espace assez enivrant ! De plus, par rapport aux randonnées plus nordiques (Lyngen Alps ou Lofoten en Norvège), on est constamment au-dessus de la végétation. Sur l’itinéraire, tu peux aussi atteindre les deux plus hauts sommets du pays.
-Combien de temps dure la traversée ?
-Environ 5 nuits et 6 jours, avec 1100 à 1200 mètres de dénivelé quotidien et 10 à 12 km de distance à parcourir. L’altitude est relativement basse donc tu ne souffres pas de cela et au printemps, les journées sont très longues ! Avec un groupe bien entrainé, tu as le temps de te faire une petite descente en freeride et de boire la bière au soleil. Ca coûte dans les 150 euros par nuit, tout inclus. Entre les refuges, si le temps tourne vraiment mauvais, tu as toujours la solution de sécurité de suivre les pistes de ski de fond traditionnelles indiquées par des piquets. Donc tu peux toujours avancer, quelle que soit la météo.
-Est-ce que l’idée rencontre du succès ?
-Oui, ça devient une classique déjà ! On a eu environ 350 skieurs l’hiver dernier. C’est une zone un peu oubliée par les touristes, qui préfèrent en général l’est et le nord du pays, alors que c’est justement situé au milieu des trois grands bassins de population du pays : Oslo, Bergen et Trondheim. Je crois que cet itinéraire a ouvert les yeux des skieurs norvégiens sur le potentiel de ce massif montagneux !
Propos recueillis par Guillaume Desmurs
Photos : Christian Nerdrum